Le service
Structure
Les régiments cosaques, ou polks, étaient placés sous la direction des starchines, les officiers désignés pour commander les différents corps d’armée. Chaque régiment avait à sa tête un polkovnik, ou colonel, et se divisait en sotnias, ou centuries. Ces unités, les escadrons cosaques, étaient elles-mêmes constituées de dessiatnias, des compagnies d’une dizaine d’hommes. Le régiment comportait le plus généralement 500 hommes mais ce chiffre était souvent proche du millier, voire davantage en cas de campagne. Dans les sotnias, il n’était pas rare de compter 200 ou 300 Cosaques, un chiffre qui atteignit même le millier d’hommes à la fin du XVIIIe siècle.
Les troupes cosaques s’additionnaient souvent de militaires extérieurs, de combattants allogènes, de mercenaires étrangers, voire de paysans. Si la hiérarchie était plutôt souple en temps de paix, elle était intransigeante en campagne ou en expédition, où les chefs avaient un droit de vie et de mort sur leurs hommes. La discipline était de fer mais en cas de mécontentement, les Cosaques gardaient le droit – ou se l’arrogeaient – de destituer leurs officiers, voire de les exécuter en cas de mauvaises décisions.
Outre la marine et la cavalerie, les Cosaques comptaient aussi une artillerie bien développée et une infanterie de première force. Par ailleurs, la cavalerie cosaque comptait aussi des troupes montées où les hommes, à la manière des dragons, se déplaçaient à cheval mais se battaient à pied.
Au Combat
Les Cosaques se battaient donc sur mer comme sur terre avec polyvalence. Au combat, après que les hommes à cheval aient effectué leur travail de sape et de dégrossissage, l’infanterie, épaulée par l’artillerie, venait installer le front. Les plastouns, habiles tirailleurs, se faufilaient dans les rangs ennemis et faisaient le plus de dégâts possible en visant leurs cibles avec précision. Cette technique, qui rappelle celle des pirates décimant au fusil de boucanier leurs adversaires avant l’abordage, tranchait avec celle des armées régulières, qui favorisaient un tir nourri mais imprécis de leurs armes légères.
L’ordre de marche de l’armée cosaque était prévu pour que les hommes puissent rapidement se mettre en position de combat. Deux files parallèles de cavaliers, tirant les chariots et l’artillerie, encadraient les hommes à pied, prêts à installer leur formation spécifique, le tabor. Proche du corral américain, cette tactique voyait les deux files de charrettes se rejoindre sur l’avant et s’écarter latéralement jusqu’à la base, formant un triangle de protection à l’intérieur duquel se trouvait le campement. Les chariots étaient chaînés les uns aux autres et plusieurs rangées de ceux-ci formaient un bastion derrière lequel les tireurs et l’artillerie opéraient un feu roulant.
Les qualités principales des Cosaques étaient l’audace, la bravoure, la ténacité, la ruse. Marins, cavaliers ou fantassins, tous partageaient les mêmes qualités guerrières. Sur terre comme sur mer, ils étaient rapides et mobiles, efficaces et dynamiques. Adroits avec toutes leurs armes, ils favorisaient toujours l’attaque et l’action mais étaient aussi capables de soutenir un siège, de garder des positions défensives ou d’attendre que leur ennemi se découvre.
Rudes et robustes comme leurs chevaux, infatigables, habitués à la neige et à la steppe, ils pouvaient survivre à tous les temps et se battre sur tous les terrains, de jour comme de nuit. En éclaireurs, ils étaient discrets et silencieux, ne portant jamais de chaînes ou de pièces de métal dont le bruit aurait pu les trahir.
Fougueux dans leurs charges, les Cosaques étaient néanmoins subtils dans leur pratique de la guerre. Jamais à court de ressources, ils étaient perspicaces et inventifs, élaborant des pièges et privilégiant la surprise et les embuscades.

Le service
Hommes de service, soldats, guerriers, les Cosaques avaient à passer le plus clair de leur temps en campagne, ou tout au moins devaient-ils remplir leurs obligations militaires, qui varièrent avec le temps et selon les régions. Pour schématiser, on peut distinguer la période ancienne, où l’essentiel des interventions relevaient du mercenariat et de la piraterie, de celle plus moderne des voïskos.
Le service militaire originel des Cosaques n’avait pas vraiment de règles établies en dehors de l’obligation de servir le souverain en échange du statut spécial dont ils bénéficiaient. De sorte que les hommes étaient mobilisables tant qu’ils étaient valides, ce d’autant plus que la plupart d’entre eux, même très âgés, se portaient volontaires lors d’un conflit.
En 1874, le service militaire devint obligatoire en Russie et la situation se précisa pour les Cosaques, qui se virent soumis, dès l’année suivante, à une loi spécifique fixant les règles de leurs obligations. Selon ces nouvelles dispositions, chaque Cosaque était astreint à servir durant vingt ans son pays dès l’âge de dix-huit ans. Sa période militaire était scindée en trois parties: trois ans d’instruction, puis douze de service actif et enfin cinq dans une unité de réserve.
Sur la durée totale de son service actif, le Cosaque ne passait réellement que quatre années loin de chez lui. Durant sa formation et son engagement dans les troupes de réserve, il alternait les périodes de service avec celles de congé. Cette structure était celle des troupes cosaques en temps de paix, mais en période de guerre la durée du service actif pouvait être prolongée selon les besoins de l’armée.
À partir de 1825 et l’affaire des Décembristes, les Cosaques ne servaient plus seulement de soldats mais aussi de gardes et de gendarmes du pouvoir; le recours à leurs interventions devint donc constant, même en période de paix.

Les campagnes
Les Cosaques avaient une existence toute entière tournée vers la vie militaire. Formés dès leur plus jeune âge à l’art de la guerre, ils étaient élevés dans des campements puis passaient le plus clair de leur temps en campagne ou en périodes de service. Ils devaient être prêts en vingt-quatre heures et mobilisables en tout temps. En cas de guerre, ils devaient rejoindre leurs unités équipées de pied en cape par leurs propres soins (à l’exception des armes à feu) et s’intégrer à la vie du régiment.

Avant de partir au front, le Cosaque allait saluer respectueusement son père en inclinant trois fois la tête sur les bottes de celui-ci, puis buvait le verre traditionnel de vodka que lui tendait sa femme, tandis que le plus âgé de ses fils lui apportait ses armes. Au retour de la guerre ou d’une expédition, la coutume voulait que la famille attende patiemment sur le pas de la porte que le Cosaque vienne à elle. Il saluait alors son père, puis embrassait ses enfants.
Son épouse lui signifiait si elle lui était restée fidèle ou non durant son absence en venant à lui ou en s’agenouillant en signe de repentir.

Dans ce dernier cas, le Cosaque pouvait soit détourner la tête devant sa femme désormais répudiée, soit placer son mouchoir sur le front de celle-ci en signe de pardon. Si tel était le cas, personne ne s’autorisait plus la moindre remarque sur le triste épisode que le mari avait choisi d’effacer.
À la veille d’un départ en campagne, les hommes se rendaient à une messe puis buvaient du vin mélangé à des épices dans la corne traditionnelle héritée de leurs ancêtres scythes: le rog. Les embarcations ou les chariots étaient ensuite pourvus d’armes et de vivres (eau douce, sel, farine d’orge et de blé, viande et poisson séchés). Les vêtements étaient volontairement salis et le fer des sabres et des fusils recouvert de corrosion afin d’éviter tout reflet pouvant attirer le regard des ennemis.
D’une témérité et d’une confiance sans limites, les Cosaques ne reculaient devant aucune proie, fondant aussi bien sur des cibles marchandes que militaires. Seul le butin le plus précieux et le plus facilement transportable était saisi. De retour au bercail, les Cosaques étaient accueillis par des coups de canon et la liesse pouvait commencer.
Parmi les prisonniers faits à l’ennemi, les hommes et les femmes de haut rang étaient gardés comme otages en l’attente d’une rançon. Quant aux femmes de faible condition, elles étaient intégrées à la communauté après avoir été baptisées. Partagé équitablement entre tous, le butin passait ensuite entre les mains des marchands de passage ou installés dans la stanitsa.
Les expéditions étaient bien entendu meurtrières et au retour les survivants célébraient dignement leur succès durant plusieurs jours. Tous les excès étaient alors autorisés et les Cosaques festoyaient jusqu’à tomber par terre, avant de recommencer quelques heures plus tard!